Monsieur le secrétaire général, mesdames, messieurs les membres de la formation spécialisée,
Nous avons entamé cette année scolaire avec en nous l’immense peine d’apprendre qu’une collègue s’est donnée la mort. Caroline Grandjean a été harcelée par des homophobes pour ce qu’elle était : une femme lesbienne. Au-delà des postures de notre institution dans la lutte contre les discriminations, nous constatons que notre collègue n’a pas été protégée. On lui a maintes fois intimé l’ordre de se taire et de s’en aller face à ses agresseurs, jusqu’à punir la médiatisation de l’affaire. Les autorités de l'État, mairie et Éducation Nationale, portent une responsabilité dans sa mort. Cette fois, aucun hommage national n’a été rendu. Nous devons ravaler notre peine et reprendre le travail sans aucune commémoration.
Cette rentrée se passe également sous le signe d’une instabilité politique qui perdure. Nous avons encore un nouveau ministre de l’Éducation Nationale, le septième depuis 2022. Il est indispensable que Monsieur Lecornu, face à la colère du pays, mette fin à la politique budgétaire dictée par le patronat, qui prend aux pauvres pour donner aux riches.
Nous constatons chaque jour les conséquences de cette politique de restriction budgétaire, notamment sur les élèves les plus fragiles. Dans l'académie plusieurs PIALs sont dans une situation critique. Un manque crucial d’AESH se fait sentir, nombre d'entre elles et eux sont déjà en arrêt maladie en raison de leurs conditions de travail. Dans le Maine et Loire, plusieurs PIAL avaient un déficit de plus de 200h d'AESH au regard des besoins des élèves à la rentrée par exemple. Nous pouvons déjà être sûr·es que de nombreuses fiches RSST viendront pointer le manque de moyens de l’école inclusive. Nous le redisons : il n’est plus acceptable que les AESH soient maintenues dans une situation de précarité. Pour être à la hauteur de son ambition d’une école inclusive pour toustes, l’Éducation Nationale doit entamer un recrutement massif et rendre attractif le métier d’AESH en augmentant les salaires, en abaissant la quotité horaire d’un temps plein à 24h hebdomadaires et en leur offrant un réel statut dans la fonction publique. La dégradation des conditions de travail est telle que la commission consultative paritaire de ce matin a dû étudier pas moins de 8 dossiers d'inaptitudes.
Le déploiement du nouveau portail ETNA rend moins lisible et plus difficile l'accès à des outils essentiels comme les signalements VDHAVSS, le registre santé et sécurité au travail et l'application de déclaration d'accident de service. Tout ceci plonge les collègues dans une insécurité supplémentaire à celle qu'ils et elles vivent au travail. Il s'agit d'une défaillance additionnelle en matière de protection des personnels, obligation réglementaire de l'employeur.
Les personnels ont appris par voie de presse la fin des mises à jour, notamment de sécurité, de Windows 10 décidé unilatéralement par Microsoft. Cela plonge les personnels dans l'inquiétude puisque de nombreux postes dans les écoles et établissements utilisent ce système d'exploitation. Aucune information n'a été transmise aux personnels de l'académie à ce sujet à notre connaissance or les applicatifs et les données des personnels comme des usagèr·es vont de fait être encore plus vulnérables. SUD éducation revendique depuis longtemps la sécurité des données et la sortie des GAFAM pour l'éducation nationale. Pour rappel, les conventions entre l'éducation nationale et Microsoft ont coûté des dizaines de millions d'euros qui pourraient être bien mieux utilisés.
Au-delà de Microsoft et Windows, le déploiement de l'IA à marche forcée dans notre secteur en particulier en matière de gestion des personnels est très inquiétant et déshumanisant. Une nouvelle fois, les revendications légitimes des organisations syndicales n'ont pas été entendues. Les Orientations Stratégiques Ministérielles rappellent d’ailleurs la nécessité que les F3SCT soient consultées avant toute introduction de nouvelle technologie.
Dans le Maine-et-Loire, le collège Jean Rostand a vécu une rentrée des plus difficiles. La pollution de l'établissement liée à sa vétusté a mis en danger personnels et élèves depuis plusieurs mois. Après le dépôt d'un danger grave et imminent par des membres de la F3SCT-D du Maine-et-Loire, force est de constater que la réponse de l'autorité administrative n'a pas été à la hauteur. Une nouvelle fois, dans ce département, les services départementaux ont nié le droit des représentant·es et des personnels en donnant l'ordre de retour au travail alors même qu'aucune mesure de prévention et de protection n'avait été mise en place. Comme pour le collège Jean Vilar à l'hiver dernier, nous réaffirmons ici que le retour au travail ne peut pas se faire simplement après la tenue d'une instance extraordinaire. Les mesures immédiates de protection doivent être mises en œuvre avant toute reprise du travail.
La vétusté du bâti scolaire est révélatrice de l'état de délabrement de notre service public d'éducation. Sa rénovation, avec le dérèglement climatique et les pollutions nombreuses telles que l'amiante, revêt un impératif d'urgence. Nous demandons la mise en place d’un protocole adapté au changement climatique et à la réalité du terrain.
Enfin, la question des risques psycho-sociaux reste centrale dans nos métiers. La prévention n'est toujours pas à la hauteur de la réalité du terrain, comme en témoigne la situation encore explosive au Lycée Touchard-Washington (72), pour laquelle nous attendons toujours une décision qui mette enfin les agent·es en sécurité. Nous suivons d'autres situations extrêmement tendues telle que celle au Lycée Duplessis-Mornay (49) par exemple. Pour ce dossier, la cellules d'écoute mise en place par l'autorité administrative départementale n'y changera rien, d'autant plus que ni les organisations syndicales ni les personnels, n'arrivent à obtenir les comptes-rendus de celles-ci. Alors que les personnels enseignants sont exposés à plus de 75% aux risques psycho-sociaux selon les enquêtes SUMER de la DARES, les taux de reconnaissance d'accident de travail et de maladie professionnelles en la matière sont dérisoires. Les Orientations Stratégiques Ministérielles (OSM) sont pourtant très claires : la prévention des RPS constitue une priorité. Les OSM rappellent par ailleurs la nécessité de déclencher les enquêtes F3SCT lors d’événements graves, or pour cela les membres des F3SCT doivent recevoir au fil de l’eau les déclarations d’accidents de travail et maladies professionnelles et doivent être informé·es de chaque décès, chaque tentative de suicide, chaque accident grave immédiatement. La conséquence de l'inaction de l'employeur en matière de prévention des risques psycho-sociaux, ce sont des suicides qui pourraient être évités. Malheureusement notre secteur est très loin d'être épargné par cela.
