Le ministère de l’Éducation nationale est dans l’obligation de décliner l’accord du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Cet accord prévoit de supprimer les situations d’écarts de rémunération et de déroulement de carrière, de mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle et de renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement et les agissements sexistes.
Près de 3 ans après la signature de cet accord, on remarque que le ministère de l’Éducation nationale est très en retard dans son application alors même que 73% des personnels de l’Éducation nationale sont des femmes.
Les causes de l’aggravation des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes
La rémunération des agentes de l’Éducation nationale relève d’une grille indiciaire commune aux hommes et aux femmes. Alors d’où viennent ces écarts de salaire ?
Les hommes sont sur-représentées dans les postes les mieux rémunérés
83% des professeur·es des écoles sont des femmes mais elles ne représentent que 52% des agrégé·es.
De même, seul·es 36% des recteurs et rectrices d’académie et 29% des DASEN sont des femmes.
Les femmes sont sur-représentées dans les postes les moins bien rémunérés
On compte 129 000 personnels AESH en 2021. Le salaire moyen des AESH est de 750 euros nets par mois. Or le ministre Blanquer refuse de reconnaître leur métier en créant un vrai statut de la Fonction publique pour les AESH avec un temps plein à 24 d’accompagnement par semaine. Rémunéré· es au SMIC, ces personnels subissent les temps incomplets imposés car les conditions d’emploi dans les écoles et dans les établissements scolaires ne permettent pas aux AESH de travailler à temps plein.
La politique du “tout-indemnitaire” et l’augmentation des heures supplémentaires est défavorables aux femmes
Alors que les hommes sont très largement minoritaires chez les professeur· es des écoles, ils sont sur-représentés dans les postes qui donnent accès à des primes et indemnités spécifiques : 17% d’entre eux exercent une fonction de direction et 40% sont conseillers pédagogiques. Ainsi le salaire net des hommes est de 11% plus élevé que celui de leurs collègues femmes, l’écart de primes est de 43% entre les femmes et les hommes
Du côté des certifié·es, on observe un écart de salaire de 8%. Les hommes gagnent plus entre autres raisons car ils effectuent davantage d’heures supplémentaires (+51%) que les femmes et prennent en charge des missions qui donnent droit à des indemnisations et des primes (29% de plus que les femmes). Par ailleurs, les femmes sont sur-représentées chez les personnels qui, du fait de leur temps partiel, ne peuvent se voir imposer d’heures supplémentaires.
La politique de Blanquer de l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires à absorber pour les personnels est donc responsable d’une aggravation des écarts de rémunération entre hommes et femmes.
La sur-représentation des femmes parmi les personnels à temps partiel
Dans la Fonction publique, 23% des femmes fonctionnaires travaillent à temps partiel contre seulement 6% des hommes. Les femmes sont sur-représentées parmi les personnels travaillant à temps partiel car le partage des tâches reste encore aujourd’hui inégal dans la société : 72% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales sont effectuées par les femmes. De même, les salaires des femmes étant majoritairement inférieurs à ceux de leurs conjoints, ce sont les femmes qui travaillent à temps partiel ou bénéficient du congé parental.
Mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle ?
On peut interroger l’action du ministère de l’Éducation nationale sur cet axe pourtant important de l’accord de 2018. L’Éducation nationale a fait le choix de ne pas aller plus loin que les dispositions générales à la Fonction publique (pas de jours de carence pour les congés maladie en période de grossesse par exemple).
L’allongement de la durée du congé « paternité » à 28 jours dont 7 jours obligatoires et le passage de dix à seize semaines du congé des familles adoptant un enfant, votés à l’Assemblée nationale, sont de petites avancées pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes mais elles sont largement insuffisantes. Aujourd’hui encore, l’essentiel de la charge liée aux enfants, qu’elle soit mentale, sociale ou professionnelle, repose sur les femmes.
SUD éducation revendique :
- la suppression du terme congé « paternité » et le remplacement par « congé 2ème parent » , plus inclusif, notamment pour les couples lesbiens.
- l’obligation d’un congé second parent et son allongement à 9 semaines avec une possibilité de le fractionner.
- la possibilité d’allongement jusqu’à 16 semaines comme pour le congé maternité.
Une politique de prévention et de traitement des violences sexuelles et sexistes au travail insuffisante : l’omerta doit cesser !
Sur le papier, alors que le ministère affiche des objectifs fondamentaux : mettre en place un dispositif de signalement, de traitement et de suivi des actes de violences sexistes et sexuelles auprès des services de l’Éducation nationale, former les publics prioritaires à la prévention et à la lutte contre les discrimination, les actes de violence, de harcèlement moral ou sexuel et les agissements sexistes et accompagner les agent·es victimes de violence.
La théorie :
Dans le plan national d’action pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 2021-2023, L’Axe 5 intitulé “Prévenir et traiter les discriminations, les actes de violences (dont les violences sexistes et sexuelles), de harcèlement moral ou sexuel ainsi que les agissements sexistes” traite ce sujet en mesures :
La mesure 1 rappelle que “la lutte contre les discriminations, les actes de violences, de harcèlement moral ou sexuel ainsi que les agissements sexistes,” est “ une thématique obligatoire du plan national pour l’égalité professionnelle des MENJS et MESRI et de ses déclinaisons dans les académies et dans les établissements”. Cette obligation s’appuie sur loi TFP du 6 août 2019 et sur le décret du 4 mai 2020.
La mesure 2 évoque la mise en “place un dispositif de signalement, de traitement et de suivi des actes de violences, discriminations, harcèlement moral ou sexuel, agissements sexistes auprès des services centraux, déconcentrés et des opérateurs” qui se réduit à un numéro de téléphone et une adresse mail.
La mesure 3 évoque la formation des “publics prioritaires à la prévention et à la lutte contre les discriminations, les actes de violences, de harcèlement moral ou sexuel et les agissements sexistes”
La mesure 4 évoque l’accompagnement des “agents victimes de violences”
“Cet accompagnement peut mobiliser plusieurs leviers :
→ la médecine de prévention ;
→ les services sociaux du personnel ;
→ les services d’action sociale : aide au logement, aide financière, etc. ;
→les services RH pour faire cesser les faits en prenant toutes mesures conservatoires (protection de la victime et neutralité de l’enquête administrative) ou pour des mesures de gestion, notamment dans le cadre des demandes de mobilité qui pourront être traitées hors barème pour le MENJS et hors campagnes de mobilité. À l’inverse, il importe de ne pas déplacer systématiquement la victime, sauf volonté contraire de l’intéressé(e) ;
→les services RH et/ou juridiques pour faciliter l’octroi de la protection fonctionnelle. Par ailleurs, toute personne ayant qualité de témoin cité dans le cadre d’une procédure disciplinaire et qui s’estime victime notamment de violences sexistes ou sexuelles et/ou de discriminations de la part du fonctionnaire convoqué devant l’instance disciplinaire, peut demander à être assisté, devant cette même instance, d’une tierce personne de son choix ;
→les acteurs et dispositifs de soutien psychologique internes ou externes (MGEN, etc.).”
La mesure 5 traite de “Responsabiliser les employeurs dans la conduite de l’action disciplinaire”
”Les MENJS et MESRI mettent en oeuvre une politique disciplinaire ferme à l’encontre des auteurs de discriminations, actes de violences, de harcèlement moral ou sexuel et d’agissements sexistes. Cette politique doit être visible, assumée et garantir la mise en œuvre du principe de « tolérance zéro ». Elle implique de mobiliser l’ensemble des dispositifs juridiques relatifs à la sanction de ces actes. Dès lors, doivent être mises en œuvre sans délai, comme le rappelle la circulaire du 9 mars 201828, tant les procédures répressives prévues par le Code pénal que les procédures disciplinaires prévues par les dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. La procédure disciplinaire peut être menée indépendamment de toute procédure pénale en cours. ”
La réalité du terrain
Sur le terrain, la réalité est toute autre. Les équipes SUD éducation accompagnent des personnels dont la parole n’est pas entendue ou discréditée par l’administration. Les supérieurs hiérarchiques minimisent trop souvent les violences sexuelles ou sexistes qui sont dénoncées et refusent de prendre des mesures conservatoires pour protéger les victimes. Dans certains départements, des formations concernant la prévention et le traitement des violences sexuelles et sexistes au travail à destination des équipes de direction ont été mises en place mais les personnels de direction n’y participent que trop rarement. Les référent·es égalité professionnelle, diversité et lutte contre les discriminations déployés depuis 2018 dans les rectorats sont souvent les responsables des Ressources Humaines, au contraire cette mission nécessite un emploi à plein temps afin d’être pleinement accomplie.
Sur le terrain, on remarque que lorsque des violences sont dénoncées, ce sont les victimes qui sont déplacées ou qui mutent afin d’y échapper. De même, l’administration refuse d’octroyer la protection fonctionnelle tant qu’une plainte n’a pas été déposée au pénal et lorsque c’est le cas, elle borne l’exercice de la protection fonctionnelle à un hypothétique remboursement des frais de justice alors qu’elle devrait prendre des mesures de protections de la victime.
Le silence complice de l’administration est une épreuve de plus pour les personnels qui sont victimes de violences sexuelles et sexistes sur leur lieu de travail.
Un bilan d’activité de ces dispositifs doit être présenté dans les instances académiques et dans les CHSCT, réclamons-les !
SUD éducation revendique l’application de la circulaire du 9 mars 2018 qui prévoit :
- une campagne de prévention et de formation sur les violences sexistes et sexuelles ;
- des dispositifs d’information, de communication et de sensibilisation auprès de l’ensemble des personnels avec la diffusion d’un numéro vert, le rappel de la loi, l’organisation de réunions de sensibilisation ;
- la définition et la mise en œuvre d’un dispositif de signalement et de traitement des violences sexistes et sexuelles : ce dispositif est aujourd’hui inexistant ! Les signalements des personnels restent sans réponse de l’administration.
- la protection et l’accompagnement des victimes : l’employeur a la responsabilité de protéger les personnels : il doit prendre des mesures conservatoires !
- de sanctionner les auteurs des violences : aujourd’hui, bien souvent l’administration se contente de déplacer soit la victime soit l’auteur des violences ou attribue une sanction parmi les plus basses aux auteurs de violences sexistes ou sexuelles !
Quelques chiffres concernant les violences sexuelles et sexistes en France :
- 93 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année,
- 32% des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel au travail,
- 1,2 million de femmes sont la cible d’injures sexistes chaque année.